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Des scientifiques d’IBM fabriquent les plus petits circuits informatiques opérationnels du monde

Date Communiqué de Presse : 29 octobre 2002

Des molécules « tombant » en cascade comme des dominos permettent d’effectuer des calculs.

Paris, 29 octobre 2002 – Les chercheurs d’IBM ont créé et mis en oeuvre les plus petits circuits informatiques opérationnels du monde en recourant à une méthode novatrice qui consiste à déplacer individuellement des molécules sur une surface atomique à la façon de dominos culbutant l’un après l’autre.

Cette nouvelle technique de « cascade moléculaire » a permis aux scientifiques d’IBM de fabriquer et de faire fonctionner des éléments de logique numérique environ 260 000 fois plus petits que ceux des puces à semi-conducteur actuelles les plus perfectionnées.

Ces circuits ont été réalisés à partir d’une configuration très précise de molécules de monoxyde de carbone sur une surface de cuivre. Le déplacement d’une seule molécule déclenche le déplacement en cascade d’autres molécules, de la même façon que la chute d’un domino entraîne celle d’une série de dominos. Les scientifiques ont ainsi conçu et créé de minuscules structures mettant en oeuvre les fonctions de logique numérique de base OU et ET, le stockage et la récupération de données, et la connectique nécessaire pour former un ensemble de circuits informatiques opérationnels.

Le circuit le plus complexe créé par les chercheurs — un trieur à triple entrée de 12 x 7 nanomètres — est si petit qu’on pourrait en loger 190 milliards sur le bout d’une gomme de crayon, soit dans un cercle de 7 mm de diamètre. Un nanomètre est égal à un milliardième de mètre et représente la longueur de cinq à dix atomes alignés.

« Il s’agit d’une étape majeure vers les nanocircuits informatiques », a déclaré Andreas Heinrich, physicien au laboratoire de recherche Almaden d’IBM, à San Jose, en Californie, et l’un des principaux auteurs de l’article publié dans le numéro d’aujourd’hui de Science Express, l’édition en ligne de la revue américaine Science. « La cascade moléculaire n’est pas seulement un procédé inédit; c’est aussi la première fois qu’on parvient à fabriquer, à connecter et à faire fonctionner tous les composants nécessaires à des calculs informatisés à l’échelle nanométrique. Et ce, à une échelle considérablement plus petite que tous les circuits opérationnels réalisés à ce jour. »

« Les cascades moléculaires montrent que nous commençons à maîtriser les propriétés de très petites structures, a ajouté son collègue d’IBM Don Eigler. Je suis stupéfié de la vitesse à laquelle nous avons progressé entre la découverte initiale et la conception et la mise en oeuvre de circuits fonctionnels. »

Cette cascade moléculaire et le « mirage quantique », découvert par Eigler et ses collègues il y a deux ans, sont des exemples fascinants d’approches inédites dans le domaine de la science et du traitement de l’information à l’échelle du nanomètre — qui ont en outre fait progresser les connaissances sur les propriétés des atomes, des molécules et des surfaces, et sur leurs interactions.

MM. Heinrich, Eigler, et leurs collègues Christopher Lutz et Jay Gupta poursuivent leurs travaux pour imaginer d’autres systèmes informatiques à l’échelle nanométrique basés sur le mécanisme de cascade.

Explications techniques

La cascade moléculaire mise au point par IBM consiste à disposer les molécules de monoxyde de carbone sur une surface de cuivre dans une configuration énergétique métastable pouvant être activée de manière à déclencher un mouvement en cascade vers une configuration de moindre énergie, comme des dominos tombant l’un après l’autre. La métastabilité est due à la faible répulsion entre les molécules de monoxyde de carbone disposées à espacement réticulaire (une seule molécule par « case »).

C’est comme si l’on plaçait des balles de tennis les unes contre les autres dans une boîte à oeufs. Les balles étant légèrement plus grandes que les alvéoles de la boîte, elles se repoussent les unes les autres et ne peuvent pas se caler aussi bien dans les alvéoles que si elles étaient plus espacées. Tout comme la rangée instable de trois balles de tennis dans une boîte à oeufs, Heinrich et Lutz ont découvert qu’un groupe de trois molécules de monoxyde de carbone disposées en chevron sur la surface de cuivre se réorganiseraient spontanément du fait du mouvement vers l’extérieur de la molécule centrale. Ils ont alors trouvé comment relier des couples de molécules de sorte que la réorganisation d’un premier chevron conduise à la formation d’un second, et ainsi de suite, par des déplacements moléculaires en cascade.

Les opérations de calcul sont rendues possibles par le fait que chaque cascade transporte un bit d’information. Imaginons que chaque domino mis en mouvement soit un « 1 » logique et qu’un domino non touché soit un « 0 » logique. De même, un groupe de molécules peut représenter un « 1 » ou un « 0 » logique selon qu’il est déplacé ou non.

Les opérations logiques ET et OU et les autres fonctions requises par les circuits complexes sont obtenues par des modes d’intersection astucieux entre deux cascades. Heinrich et Lutz ont conçu des arrangements moléculaires agissant comme des croisements (deux trajectoires de cascade se croisant) et des embranchements (une cascade se ramifiant en deux voies ou plus).

Ces cascades moléculaires sont actuellement mises en oeuvre par le déplacement d’une molécule à la fois, à l’aide d’un microscope à effet tunnel (STM) sous ultravide et à basse température. Il faut plusieurs heures pour paramétrer les cascades les plus complexes. Et parce qu’il n’existe pas de mécanisme de réinitialisation, ces cascades moléculaires ne peuvent réaliser un calcul qu’une seule fois. Ces premières cascades reposent sur le déplacement d’une molécule, mais Eigler imagine la possibilité de réaliser des cascades à l’échelle nanométrique en utilisant d’autres interactions fondamentales, comme le spin des électrons. Cette méthode produirait en outre des cascades réinitialisables, ce qui permettrait des calculs répétés, comme avec les circuits informatiques courants.

Autres caractéristiques des cascades moléculaires :

Énergie : Les cascades moléculaires présentent une caractéristique étonnante : leur minuscule consommation d’énergie. On estime que le trieur à triple entrée ne consomme qu’un électronvolt (eV) — 100 000 fois moins qu’un circuit à semi-conducteur équivalent.

Température : Les premières cascades d’IBM ont été réalisées et mises en oeuvre à des températures comprises entre 0,5 et 10 degrés Kelvin au dessus du zéro absolu. Dans leur article, les scientifiques montrent que les cascades sont plus rapides à des températures plus élevées.

Construction de précision : Les cascades moléculaires d’IBM ont été réalisées selon un procédé très long consistant à positionner une à une des molécules de monoxyde de carbone. D’autres mécanismes de cascade pourraient ne pas exiger un tel degré de précision.

Informations complémentaires
Images de cascades, animations: http://www.research.ibm.com/resources/news/20021024_cascade.shtml
Projets IBM de recherche en nanotechnologie: http://www.research.ibm.com/pics/nanotech/

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