Starlink face à la concurrence
Avec plus de 10 000 satellites en orbite et 5 millions d’abonnés, Starlink de SpaceX domine aujourd’hui le marché de l’internet par satellite. Mais cette suprématie est-elle menacée par l’émergence de concurrents de taille. Kuiper, Eutelsat et les autres…
Une domination incontestée mais contestableDepuis son lancement commercial en 2020, Starlink a révolutionné l’accès à internet dans les zones isolées. La constellation dépasse aujourd’hui 8 400 satellites en orbite fin septembre 2025, offrant des débits pouvant atteindre 260 Mbps avec une latence remarquablement basse de 25 à 35 millisecondes. Cette performance technique, associée à un déploiement rapide et agressif, a permis à l’entreprise d’Elon Musk de s’imposer comme le leader incontesté du secteur.
Le succès commercial est au rendez-vous. Starlink revendique plus de 5 millions d’abonnés et continue d’étendre sa couverture mondiale, désormais disponible dans plus de 100 pays. Des catastrophes naturelles aux zones de conflit, le réseau s’est imposé comme une solution de connectivité d’urgence fiable, renforçant sa position stratégique.
Amazon Kuiper : le rival le plus menaçantSi un concurrent peut ébranler la suprématie de Starlink, c’est bien Amazon avec son projet Kuiper, Eutelsat également. Le déploiement doit commencer dans plusieurs pays européens, dont la France, aux États-Unis et au Canada en fin d’année. Avec un investissement colossal de 10 milliards de dollars et l’ambition de déployer 3 236 satellites, Amazon dispose des ressources financières nécessaires pour rivaliser.
Des tests montrent des débits de l’ordre de 1,28 Gb/s en descente, nettement au-dessus des vitesses usuelles observées chez Starlink. L’intégration avec Amazon Web Services et la stratégie tarifaire agressive du géant du e-commerce constituent des atouts majeurs. En juillet 2025, Kuiper a obtenu l’autorisation de fréquences de l’Arcep pour opérer en France, franchissant une étape cruciale vers son lancement commercial.
Internet par satellite. Une concurrence mondiale qui s’intensifieAu-delà d’Amazon, plusieurs acteurs cherchent à grignoter des parts de marché. OneWeb, Eutelsat, TeleSat, Viasat et d’autres proposent des services et des solutions similaires, chacun avec une approche spécifique.
En Europe, les trois géants de l’aérospatial Airbus, Thalès et Leonardo ont annoncé le “Projet Bromo” en octobre 2025, une fusion de leurs services satellitaires pour contrer la domination américaine et assurer la souveraineté spatiale européenne. Cette initiative, qui pourrait être opérationnelle entre 2027 et 2030, illustre la dimension géopolitique de cette bataille orbitale.
La Chine n’est pas en reste. Plus de 100 satellites chinois ont été lancés en 2025 pour construire les réseaux Guowang et Qianfan, des alternatives à Starlink visant principalement les marchés asiatiques, africains et latino-américains. Ces projets, soutenus par l’État chinois, prévoient le déploiement de près de 28 000 satellites combinés.
Le défi des débris spatiauxL’expansion rapide des constellations soulève des inquiétudes majeures concernant la sécurité spatiale. Les satellites Starlink ont évité plus de 144 000 collisions potentielles en orbite terrestre, un chiffre qui illustre l’ampleur du problème.
Entre un et deux satellites Starlink se consument dans l’atmosphère chaque jour, et ce nombre devrait augmenter avec l’expansion des constellations. Le spectre du syndrome de Kessler – une réaction en chaîne de collisions rendant certaines orbites inutilisables – plane sur l’industrie spatiale. Il n’existe actuellement pas d’accord international unique couvrant tous les aspects de la réduction des débris spatiaux, ce qui complique la régulation du secteur.
Des enjeux réglementaires et géopolitiquesLa régulation constitue un autre obstacle majeur pour tous les acteurs du secteur. Chaque pays impose ses propres conditions, parfois drastiques. L’Inde, marché potentiel de plusieurs millions d’utilisateurs, n’a accordé qu’en juillet 2025 une lettre d’intention à Starlink, assortie d’obligations de surveillance strictes.
La dimension géopolitique s’est également imposée comme un facteur critique. Le rôle politique accru joué par Elon Musk, devenu premier conseiller de Donald Trump, a récemment relancé les débats sur la nécessité de ne pas laisser le domaine de l’espace aux seules mains d’acteurs privés. Cette concentration du pouvoir entre quelques mains préoccupe les gouvernements européens et asiatiques.
Internet par satellite : une bataille loin d’être terminéeMalgré la pression concurrentielle, Starlink conserve des avantages considérables. Son avance en termes de déploiement, son expérience opérationnelle et sa capacité d’innovation – notamment avec les satellites V3 plus performants – lui confèrent une longueur d’avance significative.
Si Kuiper tient ses promesses techniques et tarifaires, la pression concurrentielle pourrait faire baisser les prix dans les zones où Starlink règne aujourd’hui. Cette dynamique bénéficiera aux consommateurs, particulièrement dans les zones mal desservies par les réseaux terrestres.
L’année 2025 marque un tournant dans la bataille orbitale. Entre les lancements accélérés de nouveaux concurrents, les initiatives de souveraineté numérique et les défis environnementaux croissants, l’avenir du marché de l’internet par satellite s’annonce aussi passionnant qu’incertain. Une chose est sûre : le monopole de fait de Starlink appartient désormais au passé, ouvrant une nouvelle ère de concurrence spatiale dont les consommateurs seront les premiers bénéficiaires.