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Pourquoi les forfaits illimités africains sont moins chers qu'en Europe ?

comment devenir opérateur de cartes SIM et eSIM dans un pays africain
Date Communiqué de Presse : 19 décembre 2025

En partenariat avec Bisatel Telecom

Décryptage des structures de coûts, de la guerre des prix entre opérateurs et des dynamiques de marché qui permettent aux consommateurs africains d’accéder à des forfaits mobiles à des tarifs défiant toute concurrence européenne.

Le paradoxe est saisissant. Alors qu’un forfait mobile illimité coûte entre 15 et 60 euros mensuels en France, un consommateur ivoirien peut accéder à 400 Go de données pour l’équivalent de 60 euros (39 000 FCFA) chez Moov Africa. En Côte d’Ivoire, le coût du mégaoctet est descendu à 0,8 FCFA, soit moins d’un centime d’euro. Cette réalité tarifaire, qui surprend souvent les Européens, s’explique par une combinaison de facteurs économiques, réglementaires et concurrentiels propres au continent africain.

L’Afrique internet mobile, une structure de coûts radicalement différente

L’écart tarifaire entre l’Afrique et l’Europe trouve d’abord son origine dans les modèles économiques distincts des opérateurs. En Europe, les réseaux mobiles se sont construits sur des infrastructures fixes préexistantes, héritées des décennies d’investissements dans le téléphone filaire. Les opérateurs européens supportent des coûts de maintenance élevés pour ces réseaux hybrides, auxquels s’ajoutent des obligations réglementaires strictes en matière de couverture territoriale et de qualité de service.

En Afrique, le développement des télécommunications a suivi une trajectoire inverse. Selon l’Association mondiale des opérateurs de téléphonie (GSMA), le continent a directement adopté le mobile comme vecteur principal de connectivité, sans passer par l’étape du réseau fixe. Cette approche, qualifiée de « leapfrogging » technologique, a permis de réduire considérablement les investissements initiaux. Les coûts de déploiement du réseau mobile sont en effet inférieurs à ceux du réseau fixe, et la durée d’installation est significativement plus courte.

La GSMA estime que les opérateurs de téléphonie mobile d’Afrique de l’Ouest ont investi 8,5 milliards de dollars en infrastructure entre 2019 et 2020. Ce montant, bien qu’en hausse de 1,6 milliard par rapport à la période précédente, reste modeste comparé aux investissements européens, où les seules mises aux enchères de fréquences 5G se chiffrent en milliards d’euros par pays.

La guerre des prix de l’Internet dans les pays africains : moteur de la baisse tarifaire

Le marché ivoirien illustre parfaitement la dynamique concurrentielle qui tire les prix vers le bas. Trois opérateurs majeurs se disputent les 35 millions d’abonnés potentiels : Orange Côte d’Ivoire (13,9 millions de clients), MTN (13,2 millions) et Moov Africa (8,6 millions). Cette concurrence acharnée pousse chaque acteur à proposer des offres toujours plus agressives pour capter ou fidéliser sa clientèle.

Contrairement à l’Europe où le roaming intra-communautaire a été supprimé en 2017, générant des pertes de revenus pour les opérateurs, les marchés africains fonctionnent encore largement en silos nationaux. Chaque pays représente un terrain de conquête distinct où la bataille se joue principalement sur le prix. Cette configuration oblige les opérateurs à comprimer leurs marges pour maintenir leurs parts de marché, au bénéfice direct du consommateur.

L’émergence des MVNO (Mobile Virtual Network Operators) constitue une évolution majeure du secteur. Ces opérateurs virtuels, qui louent les infrastructures des opérateurs historiques pour proposer leurs propres offres commerciales, intensifient encore la pression concurrentielle. La création d’un opérateur télécom mobile est désormais accessible à des entrepreneurs disposant de capitaux limités, ce qui multiplie le nombre d’acteurs sur le marché et accélère la guerre des prix.

L’adaptation au pouvoir d’achat local en Côte d’Ivoire

Le calibrage des prix reflète une réalité économique incontournable : le pouvoir d’achat des populations. En France, le SMIC s’établit à environ 1 540 euros mensuels. En Côte d’Ivoire, le salaire minimum n’excède pas 75 000 FCFA, soit approximativement 115 euros. Un forfait européen à 20 euros représenterait près de 18% du revenu minimum ivoirien, rendant de facto les services de télécommunications inaccessibles à une large partie de la population.

L’Union internationale des télécommunications (UIT) considère qu’un service internet est « abordable » lorsqu’il ne dépasse pas 2% du revenu national brut mensuel par habitant. En Afrique de l’Ouest, le Nigeria affiche le tarif le plus accessible avec 1,61% du RNB pour un forfait 2 Go, suivi du Ghana (1,94%) et de la Côte d’Ivoire (2%). Ces ratios, bien qu’encore perfectibles, témoignent des efforts consentis par les opérateurs pour adapter leurs grilles tarifaires au contexte économique local.

La stratégie des forfaits fractionnés illustre cette adaptation. Plutôt que de proposer uniquement des abonnements mensuels, les opérateurs africains ont développé une gamme complète d’offres journalières, hebdomadaires et spécialisées. En Côte d’Ivoire, il est possible d’acquérir 150 Mo pour 150 FCFA (environ 0,23 euro) valables 24 heures chez MTN, ou 220 Mo pour 200 FCFA sur 48 heures chez Orange. Cette granularité permet à chaque utilisateur de moduler sa consommation selon ses moyens immédiats.

Des régulations plus souples et des licences moins onéreuses en Côte d’Ivoire

Le cadre réglementaire constitue un autre facteur explicatif majeur. En Europe, l’attribution des fréquences télécom fait l’objet d’enchères où les licences peuvent atteindre plusieurs milliards d’euros. Ces coûts, répercutés sur le prix des services, alourdissent structurellement la facture du consommateur final. Les obligations de service universel, qui imposent la couverture des zones rurales peu rentables, pèsent également sur l’équilibre économique des opérateurs européens.

En Afrique, plusieurs pays ont adopté des modèles de licence unifiée qui réduisent les charges administratives et facilitent l’entrée de nouveaux acteurs. La Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Nigeria ou encore le Kenya figurent parmi les États ayant mis en place ce type de régulation. La GSMA souligne que ce système permet aux opérateurs de déployer tous types de services et technologies sur une seule plateforme, réduisant ainsi les coûts d’exploitation et de maintenance.

La fiscalité des télécommunications diffère également. Alors que les services mobiles européens sont soumis à des TVA oscillant entre 19% et 25% selon les pays, certains États africains appliquent des taux réduits pour encourager l’adoption du numérique, considéré comme un levier de développement économique prioritaire.

Les équipementiers chinois : un facteur de réduction des coûts

L’infrastructure télécom africaine repose largement sur des équipements chinois, notamment ceux de Huawei et ZTE. Ces fournisseurs proposent des solutions à des tarifs sensiblement inférieurs à ceux de leurs concurrents européens Nokia et Ericsson. Le rapport qualité-prix des équipements chinois a permis aux opérateurs africains de déployer leurs réseaux à moindre coût, une économie répercutée sur les tarifs proposés aux utilisateurs.

La solution RuralStar développée par Huawei illustre cette approche pragmatique. Cette technologie de couverture rurale légère fournit une connectivité 2G, 3G et 4G avec une portée de 10 à 40 km² par station de base, tout en consommant moins d’énergie que les solutions conventionnelles. Son coût d’installation réduit permet de rentabiliser la desserte de zones faiblement peuplées, là où les solutions européennes s’avèrent économiquement non viables.

Internet mobile. Un modèle économique centré sur le volume

Les opérateurs africains ont développé un modèle économique fondé sur le volume plutôt que sur la valeur unitaire. Avec une population de plus d’un milliard d’habitants dont l’âge médian avoisine 20 ans, l’Afrique subsaharienne représente un marché en croissance rapide. Le taux de pénétration mobile, estimé à 46% en 2020, laisse entrevoir un potentiel d’expansion considérable.

Cette stratégie de démocratisation s’accompagne d’une diversification des sources de revenus. Le mobile money, quasi inexistant en Europe mais omniprésent en Afrique, génère des flux financiers significatifs pour les opérateurs. En Côte d’Ivoire, la rivalité entre Orange Money, MTN Money et les nouveaux entrants comme Wave a contribué à faire baisser les commissions, tout en augmentant le volume global des transactions. Ces revenus complémentaires permettent de subventionner partiellement les services voix et data.

Les limites du modèle africain

Si les prix bas constituent un avantage indéniable pour les consommateurs, ils s’accompagnent de contreparties en termes de qualité de service. La couverture réseau reste hétérogène, avec des disparités marquées entre zones urbaines et rurales. En Côte d’Ivoire, si la 4G couvre environ 84% de la population selon GSMA Intelligence, les zones reculées demeurent mal desservies.

La vitesse médiane de téléchargement mobile en Côte d’Ivoire atteint 27,31 Mbit/s d’après Data Reportal, un débit honorable mais inférieur aux standards européens. La 5G, déjà déployée dans plusieurs pays européens, reste à l’état de projet sur la majeure partie du continent africain. Le coût des terminaux compatibles et la rentabilité incertaine des investissements freinent son déploiement.

L’Union internationale des télécommunications rappelle que l’Afrique présente le plus faible taux d’abonnement aux services de téléphonie mobile (92 pour 100 habitants) et le plus faible taux de pénétration du haut débit mobile (48%). Seuls 37% des Africains utiliseraient internet en moyenne, contre plus de 80% des Européens. L’essor des solutions SIM et eSIM internationales pourrait néanmoins faciliter l’accès à la connectivité pour les populations mobiles et la diaspora.

Perspectives et enjeux futurs du mobile et permettent sur le continent africain

La GSMA estime que les opérateurs télécoms investiront 62 milliards de dollars en Afrique subsaharienne entre 2023 et 2030 pour moderniser leurs infrastructures. Ces investissements massifs pourraient modifier l’équation économique actuelle, avec une pression à la hausse sur les tarifs pour assurer le retour sur investissement.

Parallèlement, la concurrence des services de communication par internet (WhatsApp, Telegram) érode les revenus traditionnels des opérateurs, les contraignant à maintenir des prix attractifs sur les données mobiles pour préserver leur base d’abonnés. Cette tension entre nécessité d’investir et obligation de rester compétitif façonnera l’évolution du marché africain des télécommunications dans les années à venir.

Les opportunités de marché restent considérables pour les acteurs capables de naviguer dans cet environnement complexe. La création de MVNO, le déploiement de solutions de connectivité rurale ou encore le développement de services à valeur ajoutée constituent autant de pistes pour les entrepreneurs du secteur. Des plateformes comme Bisatel Phone témoignent de cette dynamique d’innovation qui anime le marché africain des télécommunications.

L’écart tarifaire entre les forfaits africains et européens résulte d’une combinaison de facteurs structurels : adoption directe du mobile sans héritage du fixe, concurrence intense entre opérateurs, adaptation au pouvoir d’achat local, régulations plus souples et recours à des équipements à moindre coût. Ce modèle, s’il présente des limites en termes de couverture et de qualité de service, a permis de démocratiser l’accès aux télécommunications pour des millions d’Africains. L’enjeu des prochaines années sera de maintenir cette accessibilité tout en investissant dans les infrastructures nécessaires à l’économie numérique du continent.

Sources et références
  • Union internationale des télécommunications (UIT) – Measuring Digital Development 2023, ITU DataHub
  • GSMA – The Mobile Economy Sub-Saharan Africa 2021, State of Mobile Internet Connectivity 2024
  • Alliance for Affordable Internet (A4AI) – Affordability Report 2020-2024
  • Broadband Commission – The State of Broadband 2024: Leveraging AI for Universal Connectivity
  • Agence Ecofin – Analyses du marché des télécommunications africaines
  • Jeune Afrique – Études économiques sectorielles
  • ARTCI (Autorité de Régulation des Télécommunications de Côte d’Ivoire)
  • Data Reportal – Digital 2024: Côte d’Ivoire
  • Cable.co.uk – Worldwide Mobile Data Pricing 2022-2024
  • École de Guerre Économique – La conquête du marché de la 5G en Afrique subsaharienne