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Internet illimité en Afrique

promesse des opérateurs mobiles africains. Internet illimité
Date Communiqué de Presse : 18 décembre 2025

La réalité derrière les promesses commerciales des opérateurs africains

En partenariat avec Bisatel Telecom

Alors que les opérateurs africains multiplient les offres « illimitées », la réalité du terrain révèle un écart considérable entre le discours marketing et l’expérience utilisateur. Enquête sur un paradoxe qui freine la transformation numérique du continent.

L’Afrique, un continent en quête de connectivité

L’Afrique subsaharienne connaît une croissance spectaculaire de sa connectivité mobile. Selon le rapport 2024 de la GSMA, la région a concentré 75 % de la progression mondiale des nouveaux utilisateurs d’internet mobile cette année-là, avec 40 millions de personnes supplémentaires ayant accédé à une couverture réseau. Cette dynamique s’inscrit dans une tendance de fond : le nombre d’abonnements à la téléphonie mobile devrait atteindre 1,1 milliard d’ici 2028, contre 940 millions en 2023, selon les projections d’Ericsson.

Pourtant, derrière ces chiffres encourageants se cache une réalité plus contrastée. Le taux de pénétration de l’internet mobile en Afrique subsaharienne plafonne à 27 %, le plus faible au monde. Seule une personne sur quatre accède effectivement à internet via son téléphone portable. La couverture réseau, bien qu’elle atteigne 87 % de la population, ne se traduit pas mécaniquement par un usage effectif. L’écart entre couverture théorique et utilisation réelle constitue le premier paradoxe de la connectivité africaine.

Le mirage de l’internet « illimité » dans les pays africains

Face à cette demande croissante, les opérateurs de télécommunications ont massivement déployé des offres estampillées « internet illimité ». Cependant, une lecture attentive des conditions générales de vente révèle une réalité bien différente. La quasi-totalité de ces offres intègrent des mécanismes de fair use, ou « usage raisonnable », qui limitent drastiquement l’expérience utilisateur au-delà d’un certain seuil de consommation.

Le principe est simple : une fois le plafond de données atteint (généralement entre 30 et 70 gigaoctets selon les formules), le débit est réduit de manière significative. Un utilisateur bénéficiant théoriquement de la 4G à 150 Mbit/s se retrouve alors bridé à 128 Kbit/s, soit une réduction de plus de 99 % de sa vitesse de connexion. À ce débit, le streaming vidéo devient impossible, le téléchargement d’applications impraticable, et même la navigation web basique se révèle laborieuse.

Cette pratique, bien que légale et mentionnée dans les contrats, pose la question de la transparence commerciale. Le terme « illimité » suggère une absence de restrictions, alors que l’expérience réelle s’apparente davantage à un forfait plafonné avec continuité de service dégradée. Pour les consommateurs africains, souvent moins familiarisés avec ces subtilités contractuelles, la déception est fréquente.

Un coût prohibitif pour les populations africaines

Au-delà des limitations techniques, l’accessibilité financière constitue un obstacle majeur. Selon l’Union internationale des télécommunications (UIT), le prix médian d’un forfait mobile d’entrée de gamme de 2 gigaoctets par mois représentait 3,9 % du revenu mensuel moyen par habitant en Afrique subsaharienne en 2024. Ce taux, le plus élevé au monde, reste nettement supérieur au seuil de 2 % fixé par la Commission des Nations Unies pour le haut débit comme indicateur d’accessibilité.

Les disparités entre pays sont considérables. En République centrafricaine, un gigaoctet de données représente jusqu’à 115 % du revenu mensuel moyen pour les 40 % de la population les plus pauvres. En République démocratique du Congo, ce ratio atteint 20,6 %. À l’inverse, des pays comme Maurice (0,5 %), l’Algérie (0,8 %) ou le Ghana (1,4 %) affichent des taux plus conformes aux standards internationaux. Ces écarts reflètent à la fois les différences de développement économique et les politiques tarifaires des opérateurs locaux.

L’Alliance for Affordable Internet (A4AI) souligne que la faible concurrence sur certains marchés africains aggrave cette situation. Dans les pays où un seul opérateur détient le monopole, le coût d’un gigaoctet de données est en moyenne supérieur de 7,33 dollars par rapport aux marchés concurrentiels. L’émergence de nouveaux acteurs, notamment à travers le modèle des opérateurs virtuels (MVNO), pourrait contribuer à dynamiser la concurrence et faire baisser les prix.

Les infrastructures Internet en Afrique : le défi du dernier kilomètre

La qualité de service dépend étroitement des infrastructures de télécommunications. Sur ce plan, l’Afrique a réalisé des progrès significatifs ces dernières années. Le projet 2Africa, mené par un consortium incluant Meta, Orange, Vodafone et MTN, constitue l’illustration la plus ambitieuse de cette modernisation. Ce câble sous-marin de 45 000 kilomètres, le plus long au monde, encercle le continent africain et connecte 33 pays à l’Europe, au Moyen-Orient et à l’Asie.

Entré en service fin 2024, 2Africa offre une capacité de 180 térabits par seconde, supérieure à la capacité combinée de tous les câbles sous-marins desservant précédemment le continent. Meta estime que cette infrastructure pourrait contribuer jusqu’à 36,9 milliards de dollars au PIB africain au cours des premières années de fonctionnement. Le câble devrait également favoriser la création d’emplois, l’entrepreneuriat et le développement de pôles d’innovation dans les régions connectées.

Cependant, un paradoxe persiste : les câbles existants fonctionnent souvent à moins de 20 % de leur capacité, selon les analyses d’Internet Sans Frontières. Le véritable défi réside dans le « dernier kilomètre », c’est-à-dire l’acheminement de cette capacité vers l’intérieur des terres et les zones rurales. Les réseaux terrestres, coûteux à déployer et à maintenir, restent insuffisamment développés. En 2024, l’écart d’utilisation d’internet entre zones urbaines (57 %) et rurales (23 %) demeure le plus important au monde.

Des fractures numériques persistantes sur le continent africain

La fracture numérique africaine ne se résume pas à une opposition ville-campagne. Les inégalités de genre constituent un autre facteur discriminant : les femmes restent 14 % moins connectées que les hommes, un écart quasi stable depuis plusieurs années. L’accès à internet chez les jeunes de 15 à 24 ans atteint seulement 53 % en Afrique, contre 65 % en moyenne mondiale, privant une génération des compétences numériques essentielles pour l’économie de demain.

Ces disparités ont des conséquences économiques majeures. La GSMA estime qu’une augmentation significative de l’usage de l’internet mobile pourrait générer jusqu’à 795 milliards de dollars pour l’économie africaine d’ici 2030. Les secteurs du commerce en ligne, des services financiers mobiles, de l’éducation en ligne et de la télémédecine pourraient connaître un développement considérable si les obstacles à la connectivité étaient levés.

Vers des solutions mobile illimitées adaptées aux réalités africaines

Face à ces défis, plusieurs pistes de solution émergent. La première concerne la fiscalité : selon la GSMA, une réduction des taxes sur les services mobiles pourrait entraîner une baisse des prix de 13 % et augmenter le nombre d’utilisateurs de l’internet mobile de 6 % par an. Dans de nombreux pays africains, les droits d’accise et les droits de douane sur les téléphones importés représentent respectivement 17 % et 21 % du coût total d’utilisation, pesant lourdement sur l’accessibilité.

L’innovation technologique offre également des perspectives prometteuses. Le développement des solutions eSIM internationales facilite l’accès à des forfaits compétitifs sans les contraintes logistiques liées aux cartes SIM physiques. L’internet par satellite, notamment via des projets comme Starlink, pourrait compléter les infrastructures terrestres dans les zones les plus reculées, bien que son coût reste pour l’instant prohibitif pour la majorité des utilisateurs africains.

Les initiatives communautaires constituent une autre voie d’exploration. Des réseaux appartenant à des municipalités ou à des coopératives villageoises permettent de mutualiser les coûts et d’adapter les services aux besoins locaux. Ces modèles, encore marginaux, pourraient se développer si les cadres réglementaires évoluaient pour les encourager.

Internet illimité en Afrique de la promesse à la réalité

L’internet « illimité » en Afrique reste largement une promesse marketing qui ne correspond pas à l’expérience vécue par les utilisateurs. Entre les plafonds de fair use, les débits bridés, les coûts élevés et les infrastructures insuffisantes, le chemin vers une connectivité véritablement universelle et accessible demeure long. Pourtant, les investissements massifs dans les câbles sous-marins, l’émergence de nouveaux acteurs et la prise de conscience des décideurs politiques laissent entrevoir des améliorations possibles.

Pour les consommateurs africains, la vigilance reste de mise : décrypter les conditions des offres, comparer les opérateurs et s’informer sur les alternatives disponibles constituent des réflexes essentiels. Les solutions de téléphonie mobile innovantes qui émergent sur le marché pourraient contribuer à démocratiser l’accès à une connectivité de qualité. L’enjeu dépasse la simple consommation individuelle : c’est la transformation numérique de tout un continent qui est en jeu.

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Sources et références
  • GSMA, « L’économie du mobile en Afrique subsaharienne 2024 », rapport annuel sur la connectivité mobile.
  • GSMA, « The State of Mobile Internet Connectivity 2024 », étude sur la connectivité internet mobile mondiale.
  • Union internationale des télécommunications (UIT), « State of digital development and trends in the Africa region », rapport avril 2025.
  • Broadband Commission, « The State of Broadband 2024: Leveraging AI for Universal Connectivity », rapport juin 2024.
  • Alliance for Affordable Internet (A4AI), rapports sur l’accessibilité d’internet dans les pays à revenu faible et intermédiaire.
  • Ericsson, « Mobility Report 2023 », projections sur la croissance de la téléphonie mobile en Afrique.
  • Internet Society, « Rapport 2024 sur la rupture d’un câble sous-marin en Afrique de l’Est ».
  • Meta / Consortium 2Africa, communications officielles sur le projet de câble sous-marin.
  • TeleGeography, « Africa Telecommunications Map 2025 », cartographie des infrastructures télécoms africaines.