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La fibre optique ou la revanche des collectivités

Date Communiqué de Presse : 18 septembre 2007

Avec le sentiment d’avoir été délaissées par l’opérateur historique, certaines collectivités prennent leur revanche en déployant leurs propres réseaux de fibre optique. Décryptage.

La fracture numérique n’est pas une chimère que les collectivités peuvent ignorer dans le cadre de leur plan de développement économique. En effet, les entreprises sont désormais très attentives aux infrastructures Telecom proposées sur leur territoire, en particulier pour la fibre optique. Elles en font un critère stratégique pour de nouvelles implantations et certaines n’hésitent d’ailleurs pas à déménager si elles n’ont pas accès au haut débit. L’interconnexion entre les entreprises, le télétravail ou encore la centralisation des ressources informatiques sont en partie responsables de cette tendance.

Développer et équiper son territoire reste cependant difficile pour de nombreuses collectivités, confrontées à une gestion budgétaire serrée. Pourtant, un certain nombre d’entre elles, souvent sous l’impulsion d’hommes et de femmes convaincus par la puissance du numérique, se lancent dans l’aventure du Très Haut Débit. L’enjeu est de construire un réseau de fibres accessible directement aux entreprises. Pour ce faire, comme pour le secteur des transports ou de la propreté, la Délégation de Service Public (DSP) est souvent choisie comme structure juridique. Avec ce type de contrat, le délégant propose contre rémunération l’exploitation du service public à un délégant. Dans le cas de la fibre optique, les collectivités communales, départementales voire régionales cofinancent les travaux du réseau haut débit et parfois certaines charges de raccordement avec un acteur du secteur privé. Ce dernier exploite ensuite le réseau sur plusieurs dizaines d’années et se doit de respecter un cahier des charges, dont la neutralité vers les fournisseurs est un point essentiel.

Dans ce cadre, de nombreux leviers permettent aux collectivités de prioriser leurs projets : choix des technologies (wifi, fibre optique, DSL…), couverture du territoire et tracé du réseau, niveau du tarif mensuel des abonnements, ouverture à de nouveaux fournisseurs et surtout allocation de subventions pour les raccordements… Ainsi, les collectivités peuvent axer leurs objectifs sur une généralisation du haut débit sur leur territoire, la couverture des zones d’activités, le développement des technologies au sein des entreprises ou de la concurrence locale en vue de baisse des prix… ou les cumuler. Une belle revanche contre l’opérateur historique !

La question du financement de ces réseaux reste évidemment essentielle et va de pair avec les attentes des électeurs souvent impatients de disposer du haut débit et de ces services. Cependant, le poids de la facture du très haut débit n’est pas toujours facile à budgéter pour des communes ou des départements isolés… et les offres grand public à quelques dizaines d’euros sont relativement trompeuses quant aux coûts réels des raccordements. Laissons de côté ce volet complexe qui conduira peut-être à la création d’un fonds pour le très haut débit en faveur des zones les moins riches, comme l’envisagent de nombreux experts.

Pour ce qui concerne les objectifs de désenclavement numérique et le développement économique, il s’agit de regarder plus spécifiquement le volet « entreprises » des politiques des DSP. Au regard des expériences passées et actuelles, pour que le réseau fibre soit au service des besoins professionnels, voici quelques critères fondamentaux, même s’ils paraissent parfois évidents :

– Le réseau est activé : un réseau passif n’est évidemment pas utile par les entreprises même s’il existe de multiples opérateurs sur le territoire

– Le réseau est ouvert : des interconnexions vers d’autres réseaux de proximité ou nationaux permettent aux entreprises de mettre en place des connexions multi-sites, un des usages majeurs de la fibre

– Une offre de bande passante est proposée aux opérateurs : cette offre doit comporter une entrée de gamme à 1 méga garanti et des possibilités de changements ponctuels de débits afin de répondre au mieux aux besoins des entreprises… En effet, des offres à 10 mega garantis ciblent déjà un nombre restreint d’entreprises.

– Des tarifs concurrentiels : le prix des offres fibre historiques sont trop élevées pour la plupart des PME, véritable noyau du dynamisme économique en France. Fixer un tarif mensuel au prix du SDSL semble être un niveau envisageable pour promouvoir le passage au très haut débit pour les entreprises. Mais en réalité, le facteur décisif pour l’entrepreneur reste l’aide des collectivités sur l’investissement d’infrastructure que représentent les frais de raccordement.

– Une mise en concurrence réelle des opérateurs : si la neutralité est la règle, il s’avère que le principe de réalité ne favorise pas toujours les acteurs locaux ou moins connus, les mandataires des DSP étant souvent maîtrisés par des opérateurs nationaux.

– Une communication adaptée aux entreprises et aux électeurs : l’explosion de la bulle internet n’a pas facilité la communication sur la fibre optique, bien que les sujets soient en fin de compte assez éloignés…Pourtant, si les collectivités veulent promouvoir leur nouveau réseau de fibre optique, elles doivent avant tout expliquer les usages de cette nouvelle technologie et rentabiliser les investissements publics en multipliant les connexions sur leur réseau.

– La collectivité utilise sont réseau : en terme d’image et de rentabilité, il est nécessaire que les collectivités utilisent leurs réseaux. Conseils généraux, Chambres de Commerce et d’Industrie et mairies doivent donner l’exemple.

Avec le très haut débit, les collectivités possèdent une arme puissante de développement à moyen terme mais qui comporte quelques précautions d’usage. Dans ce contexte, les enjeux sur la mutualisation des réseaux locaux deviennent majeurs. Les collectivités ont intérêt à harmoniser les différentes modalités de gestion de leurs DSP même si elles craignent et parfois à juste titre à la création de nouveaux monopoles entre quelques acteurs majeurs du marché. Il sera d’ailleurs intéressant d’observer si les nouveaux opérateurs créés grâce à l’éclosion des DSP ne seront pas tour à tour rachetés par les leaders du marché.
Outil de revanche sur la maîtrise de leur territoire et de leurs politiques, le très haut débit devient un des rares leviers d’aménagement du territoire de nos politiques.