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Quel regard porter sur les délocalisations ?

Date Communiqué de Presse : 21 juin 2004

Opinions et idées

Quel regard faut-il porter sur les délocalisations de centres d’appels ?

Paris le 21 juin 2004 – Emmanuel Mignot, le PDG fondateur de Teletech International, entreprise spécialisée depuis 10 ans dans la gestion et l’hébergement de Centres d’Appels, fait entendre son opinion sur les délocalisations des centres d’appels vers les pays low cost.

L’opinion publique française exprime, par presse interposée, et par la bouche de ses plus éminents représentants politiques, une position très ambiguë sur la délocalisation des centres d’appels. Cet intérêt soudain pour notre profession, qui depuis une dizaine d’années n’a cessé d’évoluer, s’accompagne de critiques constantes. Traités à la fois mines d’or et mines de sels, les centres d’appels sont voués aux gémonies. Les 200.000 collaborateurs qui y travaillent aujourd’hui sont souvent interrogés, et leurs conditions de travail, observées à la loupe. Aucun doute, ces salariés sont mal traités et il ne peut être question de parler de métier pour qualifier ce petit boulot qui consiste à parler dans un téléphone !

Soudain, les entreprises françaises imitant leurs concurrentes anglo-saxonnes, délocalisent, certes timidement, leurs centres d’appels. 9000 emplois ont été créés, en quelques mois hors de nos frontières, et chacun revendique le droit de voter des lois pour empêcher les prestations off-shore (on relèvera en souriant la présence de notre nouveau Ministre de l’Economie et de Finances dans un centre d’appels filiale d’un grand groupe américain, pionnier des délocalisations off-shore en Inde ou au Maroc..).

On notera que ce qui pourrait s’appliquer aux hébergeurs de centres d’appels ne concerne aujourd’hui ni les constructeurs automobiles, ni les marques de luxe, pas plus que les SSII.

Ces brusques marques d’attention et peut-être d’intérêt nous touchent, de la part surtout de décideurs politiques qui n’ont jamais pris la mesure du potentiel de ce secteur d’activité. Car jusqu’à aujourd’hui, il est toujours affirmé en France qu’un emploi créé dans un centre d’appels dans une région déshéritée, comme nous en comptons de plus en plus, vaut 10 fois moins qu’un emploi d’ouvrier dans une usine coréenne ou japonaise, installée à grand renfort de coupage de rubans, pour venir, avec nos impôts, concurrencer nos marques nationales !

Il n’est sans doute toujours pas compris que ces emplois ont bien d’autres avantages :

– ils sont souvent ouverts à des personnels peu qualifiés,
– ils permettent à des collaborateurs jeunes de s’intégrer aisément dans une entreprise, d’y apprendre à se vendre, à s’exprimer, et souvent, de découvrir un métier
– ils sont peu consommateurs d’espace,
– ils respectent l’environnement, peuvent s’implanter en milieu rural, etc..

Mais surtout, les emplois créés par les centres d’appels constituent un formidable tremplin pour l’économie : d’abord parce qu’ils améliorent la compétitivité des entreprises dont le coût du service, industrialisé, est abaissé. Ensuite, parce qu’ils sont le meilleur moyen de dopage de la force commerciale des grandes comme des petites entreprises.

Pour toutes ces raisons, et bien d’autres, ces emplois sont plus porteurs d’avenir que les emplois industriels dont on découvre régulièrement quelle voie de garage ils peuvent avoir été quand l’entreprise ferme ses portes.

Ce qui frappe, c’est la brièveté du cycle, entre l’émergence de ce secteur (une dizaine d’année) et le moment où il se délocalise. C’est aussi sa nature, de prestation intellectuelle, dont on a coutume de penser qu’elle protège justement d’une reproduction économique à l’autre bout du monde.

C’est bien que le temps s’accélère, qu’il nous est compté pour innover et que nous devons voir cette évolution, non seulement comme naturelle, mais aussi comme une chance de développement. C’est à nous seuls qu’il revient d’anticiper, de préparer et de gérer ces mutations lourdes de nos activités. Nous avons consacré des sommes inimaginables à soutenir contre la raison nos industries minières, sidérurgiques, textiles, informatiques… Pour quel bénéfice ? Combien auraient coûté à la place, des plans de soutiens individuels de conversion en accompagnement des délocalisations qui ont finalement trop tardé ?

Il n’est bien sûr pas question de sacrifier les collaborateurs qui ont oeuvré au développement de nos entreprises. Ils ont gagné le droit à des mesures réellement efficaces. Nous avons acquis en la matière suffisamment d’expérience en 50 ans pour savoir comment mettre en place une organisation efficiente et digne de ces mutations économiques.

Une seule chose est certaine et prouvée : l’acharnement thérapeutique pour maintenir sous respiration artificielle des organisations obsolètes est comme donner une cure de vitamines à un sprinter de 40 ans : ça donne bonne conscience, mais ça ne change rien au résultat final.
N’omettons pas de nous mettre un instant à la place de ces économies qui font tant pour essayer de se porter à notre hauteur. Notre avance leur semble irrattrapable et annonciatrice de sacrifices. Prenons confiance en nos moyens et allons de l’avant avec assurance.

Le prix de revient du service est aujourd’hui devenu une variable d’ajustement essentielle de la compétitivité internationale des sociétés. Si les entreprises anglo-saxonnes trouvent en Inde une source d’économie très importante, qu’adviendra-t-il des entreprises françaises si elles sont contraintes de maintenir leurs coûts à un niveau très élevé ?

La réduction à notre hexagone de la réflexion pourrait bien nous coûter d’innombrables emplois dans les 3 années à venir. Faute d’adaptation, combien d’entreprises florissantes ont disparu déjà ?

Il est permis d’ajouter que le réflexe protectionniste qui est apparu ces derniers jours au sein du monde politique libéral est étonnant, quand Jacques Delors trouve ce phénomène très naturel car classique, connu. Les prestations qui peuvent être délocalisées car plus économiques, le seront, comme elles l’ont toujours été. Pour autant, il se fabrique toujours des voitures en France, comme aux USA. Tous les vêtements ne sont pas fabriqués en Chine. Dans le même temps, la France comme les USA ont démontré la vigueur de leur capacité d’innovation et de leur recherche. Combien de brevets, de nouvelles activités prennent naissance dans nos économies ?

Ainsi, de nombreux centres d’appels resteront en France, d’autres vont s’y ouvrir. Le potentiel est considérable, à condition que des mesures efficaces soient enfin prises. Mais, Messieurs les politiques, laissez les entrepreneurs faire leur métier et jouer leur carte à égalité de chance avec leurs compétiteurs.

Mettons en place une large concertation pour l’accompagnement des évolutions naturelles. Ensuite, nous saurons décider des mesures d’accompagnement efficaces pour les salariés.

Pour nous, contraindre les activités délocalisables à rester en France en dépit de la logique commerciale sera contre-productif. Il faudra bien démontrer que la compétitivité ne serait pas mise à mal. On peut s’attendre à des annonces spectaculaires d’avantages accordés en contre-partie de ces obligations à rester en France, non dénuées d’effets pervers : alléger des charges, permettre les emplois plus flexibles, toutes mesures qui feront boule de neige, tandis que la profession tente depuis longtemps de se professionnaliser. Certes, ces mesures amélioreraient la compétitivité des centres d’appels français. Mais l’écart à combler est tel qu’elles ne sauraient suffire.

Il faut faire aussi confiance aux entreprises : combien de centres d’appels ont été ouverts en province et même dans des communes rurales ? Combien de milliers d’emplois ont été créés là où les usines ont fermé depuis longtemps ou depuis peu ?

Chaque semaine, une nouvelle ouverture est annoncée en France.
Il faut des règles du jeu dont les salariés ne fassent pas les frais, et donner à la France les moyens de valoriser ses avantages.

Justement, la conjugaison d’une offre off-shore et d’une offre domestique de qualité peut justement être la meilleure chance pour l’emploi français.

Teletech International, hébergeur de Centres d’Appels, opère en France et au Maroc.